Librairie Pierre Saunier

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Chousy (Didier de).
Ignis.

Paris, Berger-Levrault & Cie, 1883 ; in-12, demi-chagrin rouge, filets à froid, dos à nerfs, non rogné (reliure d'époque). III & 400 pp.

2 500 €

Édition originale, parue anonymement, de ce chef d'œuvre de la littérature d'anticipation.

Mention de deuxième édition sur le titre correspondant à la deuxième tranche du tirage – la seconde édition paraît avec le nom de l’auteur.

Didier de Chousy n’est cité que par Alfred Jarry en 1903, avec quelques mots flatteurs et une citation, et par R. M. Gattefossé qui dédia à sa mémoire son roman conjectural Paradis, Société anonyme précise Versins dans son Encyclopédie de l’Utopie et de la Science-fiction (pp. 168-171) - ajoutons qu'Uzanne en fit un compte-rendu dans Le Livre, 4e année (pp. 161-162).

Le Comte Didier de Chousy est né en 1834, on ne sait pas quand il est mort ni s’il est mort, il a écrit une lettre à Villiers de l’Isle Adam pour le remercier de lui avoir envoyé L’Ève future, il aurait été receveur des finances à Boulogne-sur-Mer. On sait aussi qu’il fut l’ami de Charles Cros sans qu’on ait beaucoup d’information sur cette relation ; Chousy contribua au financement du Coffret de Santal et Cros lui dédia le poème Sultanerie de l’édition de 1879.

Quant au roman, Ignis, c’est également l’histoire d’un grand trou : un potentat d’ingénieurs et de financiers met en œuvre l’exploitation des ressources inépuisables du Feu Central, cela pour satisfaire une fois pour toutes aux besoins de l’humanité (énergie, chauffage, profits, etc.). La Grande-Bretagne, 700 kilomètres de l’étrave à l’étambot, lève l’ancre et s’engage dans l’Atlantique pendant qu’à trois lieues sous terre on se promène dans une étrange forêt fossile. En passant, plus profondément, on décervelle des espions allemands enrôlés aussi sec – ouvrier merveilleux, puisatier excellent, électeur incomparable – pour suer et creuser (décervelage qui dut ravir Jarry voire lui inspirer certain refrain bien connu). Au bord du puits géothermal une ville extraordinaire, hallucinante est créée : Industria-city pourvue de plus d’un million quotidien de chevaux-vapeur, confortable-city servie par d’innombrables atmophytes – robots qui anticipent tous les autres, à commencer par les androïdes de Capek 40 ans plus tard (Versins), hommes-vapeur qui fomenteront une émeute d’anthologie jugulée à tours de vannes – ville idyllique enfin, dotée d’un gouvernement pantopantarchique, le règne de tous sur tous (…) chaque citoyen y étant millionnaire et sans désirs insatisfaits, on peut lui confier le sceptre, il n’en abusera pas.

On ne peut faire état ici de tout ce que contient d’étonnant cette satire traitée avec un humour splendide. Il serait difficile de trouver, sur ce thème précis comme sur d’autres, livre plus parfait, plus solide, trop, précisément, pour son époque – poursuit Versins. Son insuccès provient sans doute de ce que, comme le dit l’Auteur lui-même dans la préface, railler la chimie, la géologie, la philosophie, la physique ou les mathématiques est une audace démesurée. Surtout à la fin du XIXe siècle où l’esprit de Jules Verne dominait, démesurément. Il n’est pas jusqu’à certains détails qui n’ahurissent lorsqu’on les compare aux techniques, aux recherches d’aujourd’hui et de demain.

Ex-libris de Pierre Lambert, ancien président de la Société Huÿsmans – l’écrivain cite Chousy dans son carnet vert, page 4 (mais on n'a pas été voir).

Vraiment rare, avec ou sans mention – jamais entendu parler d'un grand papier.

Bel exemplaire.